En prélude à l’UMOP[1], événement au cours duquel le syndicat présentera des applications concrètes en matière de « territoire intelligent », Seine-et-Yvelines Numérique est allé recueillir la vision d’une élue qui a fait de cette thématique une de ses priorités. Rencontre avec Constance Nebbula, Vice-Présidente de la Région Pays de la Loire, Vice-Présidente d’Angers Loire Métropole, Présidente d’Open Data France et conseillère municipale de la ville d’Angers.
Depuis quand portez-vous les sujets d’ordre numérique dans vos différents mandats ?
Constance Nebbula. Depuis 2014, date à laquelle je suis devenue élue locale, d’abord à Angers, où je suis chargée de la transition numérique. Ces questions me passionnent, c’est donc tout naturellement que j’ai été amenée à les suivre également au niveau de la communauté urbaine Angers Loire Métropole et de la région Pays de la Loire. Un chemin qui m’a conduite en 2023 à prendre la présidence d’Open Data France, association qui promeut une utilisation « ouverte » des données d’intérêt général.
Pourquoi Angers Loire Métropole est-elle considérée comme une pionnière en matière de territoire intelligent ?
C. N. La communauté urbaine a fait des choix visionnaires dès 2019, en mobilisant des moyenspolitiques, financiers et humains sur un sujet qui, à l’époque, était encore assez conceptuel. Je me souviens encore de ce jour où, alors que nous visitions le CES de Las Vegas[2], Christophe Béchu (alors président d’Angers Loire Métropole), m’a dit : on y va ! Objectif : exploiter toutes les opportunités que peut offrir le « territoire intelligent », de la gestion de l’eau à celle des déchets, en passant par le stationnement ou encore l’éclairage public. Notre spécificité est que nous avons signé en 2020 un marché unique, pour douze ans, avec un partenaire privé, couvrant l’ensemble des domaines que nous souhaitions faire progresser. Nous sommes à date les seuls en France à avoir choisi ce modèle-là, une formule intégrée avec un centre de pilotage et, en vis-à-vis de l’équipe d’Angers Loire Métropole, une équipe en miroir chez notre partenaire.
Qu’est-ce que ça a changé pour l’agglomération ?
C. N. Je dirais qu’il s’agit plus d’une révolution structurelle que d’une révolution technologique. Le « territoire intelligent » a profondément fait évoluer la collectivité dans sa manière de travailler et de délivrer le service, grâce à cette vision 360° des problématiques et des compétences, qui a entraîné un véritable « désilotage » de l’organisation. Si on veut donner quelques chiffres, nous avons par exemple déjà rénové 20 000 lanternes et réduit de 70 % la puissance lumineuse dans l’espace public. Plus de 3 000 capteurs ont également été déployés dans les bâtiments pour améliorer la gestion des fluides. La liste est longue, allant du pilotage de l’arrosage des espaces verts au stationnement connecté, en passant par le contrôle par badge au niveau des déchetteries.
En quoi est-ce à vos yeux une démarche éminemment politique ?
C. N. Ce type de sujet ne peut pas rester purement technocratique et administratif, uniquement porté par des opérationnels. C’est un authentique projet de transformation du territoire, et à ce titre il doit être initié et promu par des responsables politiques locaux. L’autre conseil que je donnerais à une collectivité souhaitant se lancer est d’avoir une approche globale et de ne surtout pas fonctionner en semant par-ci, par-là, des expérimentations isolées sur les différents sujets. Aucun territoire ne ressemble à un autre, alors commencez par auditer les forces et les faiblesses du vôtre, ce que nous avions fait avec l’appui d’un AMO[3]. C’est sur cette base que vous pourrez « écrire » votre propre territoire intelligent.
Quelle serait pour vous la prochaine marche à monter ?
C. N. Je vais vous répondre ici avec ma casquette de présidente d’Open Data France. À ce titre, je porte un message central qui est : arrêtons de traiter la donnée comme un sujet réservés aux geeks… En tant qu’aide précieuse à la gestion de nos politiques territoriales, la donnée doit en effet être appréhendée dans sa dimension politique. C’est pourquoi les élus ont tout intérêt à mieux se saisir des enjeux de traitement, d’utilisation et d’interopérabilité de la donnée : ils en ressortiront plus forts et plus efficients dans la manière de remplir leur rôle. Je plaide enfin pour qu’il y ait un véritable affichage politique sur ces sujets, de la donnée à l’intelligence artificielle en passant par la cybersécurité, avec idéalement un ministère du Numérique de plein exercice.
[1] UMOP = Universités des Mairies de l’Ouest Parisien – https://universitesdesmairies.fr/
[2] CES = Le Consumer Electronics Show, ou CES, est le plus important salon consacré à l’innovation technologique en électronique grand public. Il se tient annuellement début janvier à Las Vegas – https://www.ces.tech/
[3] AMO = assistant à maîtrise d’ouvrage