La première table ronde des Assises 2022 était consacrée au numérique en santé, à travers le prisme des politiques publiques et la manière dont celles-ci peuvent accompagner le déploiement de la médecine de demain. Un débat animé par Dominique Lehalle, journaliste spécialisée en e-santé.
De l’utilité du numérique en santé
Depuis le début des années 2000, pour le grand public, le numérique en santé est passé de l’ère de l’information avec des sites comme Doctissimo, à l’ère du service avec l’avènement de plateformes type Doctolib. Pendant ce temps, les professionnels de santé s’équipaient chacun à leur rythme de solutions digitales souvent hétérogènes et sans cohérence au niveau national. Après deux années de crise sanitaire, l’utilité du numérique en santé ne fait plus débat mais il convient aujourd’hui d’assurer l’interopérabilité entre les systèmes et la continuité des prises en charge entre la ville et l’hôpital, tout en œuvrant pour une souveraineté européenne des données de santé. Dans ce contexte, la stratégie nationale MaSanté2022 a donné lieu entre 2019 et 2021 à un audit qui a mis en lumière le manque de régulation et d’harmonisation des outils numériques en santé, ainsi que le risque de voir des entreprises étrangères s’approprier les données de santé des Français.
Données de santé : redonner un rôle central à la puissance publique
L’idée est donc aujourd’hui de redonner un rôle central à la puissance publique, qui doit être celle qui fixe les normes, encadre la création d’une identité numérique pour chaque patient et impose la mise en place de messageries nationales à tout l’écosystème de santé, afin de garantir la souveraineté des données. L’Etat agit également à travers l’Agence du Numérique en Santé (ANS), son opérateur chargé d’accélérer la transformation du numérique dans le secteur santé, social et médico-social. « L’ANS joue notamment un rôle de régulateur en labellisant et en référençant les solutions logicielles utilisées, avec des garanties d’éthique, de sécurité et d’interopérabilité » a indiqué Morgane Berthelot, Directrice de programme de transformation numérique, secteur médico-social, de l’ANS. L’organisme se veut également opérateur, accompagnant par exemple la création du tout nouvel « Espace numérique de santé », lancé par l’Assurance maladie début 2022. L’ANS est enfin à la manœuvre pour promouvoir cette transformation numérique en lien avec les acteurs territoriaux. « Côté financement, l’Etat agit à travers BPI France, acteur qui mobilise 1,3 milliard d’euros par an sur la santé, mais aussi à travers la Banque des Territoires. Celle-ci prévoit de consacrer, sur les cinq ans que va durer le Plan de Relance, 1 milliard d’euros à la santé, tout en accordant 3,5 milliards d’euros de prêts en lien avec ces enjeux » a rappelé Christel Sanguinède, Directrice de projet au département “Grand âge et santé” de la direction des politiques sociales de la Caisse des Dépôts.
Rester en phase avec les besoins des territoires et du secteur médical
Les moyens sont donc là et la tâche encore vaste pour arriver à un système vertueux et harmonisé, dans lequel les solutions numériques sécurisées et innovantes permettront notamment de simplifier le travail des soignants tout en luttant contre le phénomène de désertification médicale. Deux enjeux clés parmi d’autres relevés par la Commission d’enquête sénatoriale « La situation de l’hôpital et le système de santé en France ». « La commission des Affaires sociales du Sénat est très attachée à développer le numérique au service des soignants et des patients tout en évitant d’éventuelles dérives mercantiles » a commenté la rapporteure de cette commission, Catherine Deroche, Sénatrice de Maine-et-Loire. Dans la droite ligne de ce travail et en prolongement, le Sénat lancera prochainement une nouvelle mission d’enquête portant cette fois sur l’exploitation des données de santé, sujet ultrasensible s’il en est.
Collectivités : un rôle clé à jouer pour le développement du numérique en santé
Au plus près des Français et des problématiques qu’ils rencontrent au quotidien, les collectivités locales sont par nature les garantes de l’accompagnement de tous leurs administrés vis-à-vis du numérique. Leur contribution est primordiale sur des sujets clés comme la prévention, mais aussi en matière de repérage des publics fragiles. Pour Dominique Pon, Directeur de la Clinique Pasteur de Toulouse et Responsable Ministériel au Numérique en Santé, « le numérique doit être un outil d’émancipation citoyenne, en matière de santé tout particulièrement. C’est en effet grâce au travail des élus, sur le terrain, grâce à leur capacité à fédérer l’écosystème local, que tout un chacun, même les personnes les plus éloignées du numérique, sera en mesure d’appréhender les nouvelles solutions à l’image de MonEspaceSanté ». Pour prêter main forte aux collectivités en ce sens, l’ANS propose notamment des dispositifs de formation et de communication. Au-delà des outils mis en place au niveau national, la dynamique d’accompagnement bénéficie aussi, dans les territoires, de l’appui très actif des Agences Régionales de Santé. ■
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